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Les news de RICARIC

2 juin 2010

Blog Compte rendu expédition Scientfique du Piton des neiges

COMPTE RENDU DE L’EXPEDITION SCIENTIFIQUE AU PITON DES NEIGES

ILE DE LA REUNION (du 27 au 31 Octobre 2009)

N_170_COMPRESSE

Cette expédition d’intérêt scientifique a été réalisée en empruntant un canyon vierge qui ne possédait aucun nom sur la carte. Celui ci à donc été baptisé du nom usuel, créolisé, de la découverte géologique majeure faite lors de l'ouverture:

RAVINE PSEUDOTAK

Préambule:

         Si l'île de la Réunion est une destination exceptionnelle pour la pratique de la descente de canyon, le nombre de pratiquants fédérés y est relativement faible. Parmi ceux ci, le nombre d'hurluberlus qui s'investissent dans une dynamique collective au travers de personnes morales est encore plus réduit. Cela tient à deux faits principaux: Nombre de pratiquants ont découvert l'activité sur place et n'ont aucune culture tant de la Fédération que des valeurs qu'elle est censée défendre. Les rares à avoir cette expérience, doublée d'un altruisme de bon aloi, sont donc souvent pour l'heure métropolitains. Ils ne restent donc en général pas longtemps sur l'île du fait de l'éloignement familial. On peut ainsi actuellement compter facilement sur les doigts d'une main de Django Reinhardt les acteurs incontournables et moteurs de la dynamique canyon et spéléo de l'île. On les retrouve dans la réalisation de cette expédition. Sans la complémentarité que nous avons mise en place entre monde professionnel, vecteur incontournable sur l'île de l'activité touristique, et le monde fédéral spéléo/canyon, vecteur d'une énergie associative, nous ne pourrions pas à si peu de personnes avoir autant d'impact. A titre d'exemple, sans cette synergie, Takamaka 1 serait aujourd'hui interdit ! Je tenais donc à citer dans cette publication les différents organismes qui oeuvrent, trop souvent dans l'ombre, en partenariat et au quotidien, pour que la Réunion reste une destination incontournable pour la pratique de l'activité  canyon.

La rencontre :

         Réaliser une coupe géologique intégrale d'un volcan « hawaïen », telle est l'idée de Vincent Famin, géologue Maître de Conférences au Laboratoire Géosciences de l'Université de la Réunion.

         Après étude de la géologie du Cirque de Salazie à l’est de la Réunion, la présence d'un gabbro affleurant au niveau du canyon de Trou Blanc à Hell-Bourg l'intrigue. Une telle formation ne se produit qu'en grande profondeur. Ici, ce résidu de chambre magmatique lié à la formation du Piton des Neiges est mis à nu à 683 m. d'altitude alors que le sommet du Piton culmine à 3071 m. Le compte n'y est pas! Et si le Piton des Neiges était à l'origine beaucoup plus élevé et avait souffert d'un effondrement majeur ? Cela corroborerait les inclinaisons des pentes présumées initiales du relief de l'île relevées au niveau du secteur de La Montagne (Hauts de Saint-Denis). De plus les résultats obtenus dans le Cirque de Salazie montrent la présence de brèche (avalanche) qui semble avoir glissée sur le toit du gabbro. Ce glissement vers le nord correspondrait à la jeunesse du volcan (>340 000 ans) puis, des intrusions s'injectèrent entre les deux couches (1).

Coupe_N__2_Vincent_Famin_compCoupe_N__1_Vincent_Famin_comp

         Considérant que le Piton des Neiges est le seul volcan de ce type au monde à être suffisamment érodé pour que l'on puisse en observer in situ la structure profonde, il souhaite descendre du sommet de l'île, sur le versant Salazie, en parcourant la ravine la plus encaissée possible jusqu'au canyon de Trou Blanc, à Hell-Bourg. Une telle étude de terrain compléterait celle précédemment réalisée et devrait lui permettre de construire plus précisément l'histoire de ce volcan éteint. Par comparaison, cela pourrait permettre de mieux appréhender l'évolution de son frère jumeau actif local «Le Piton de la Fournaise » et le fonctionnement des volcans de « points chauds » de par le monde.

         Bien que le projet soit exceptionnel, l'absence de financement permettant de le réaliser semble rédhibitoire. De surcroît, les ressources humaines nécessaires à la réalisation de cet objectif lui sont inconnues. Le hasard d'une connaissance commune fait que nous entrons en contact...

         Nul besoin d'être scientifique pour comprendre l'intérêt de cette entreprise. Incidemment, côté technique, fort de l'ouverture de Bras Rouge les Hauts depuis les arêtes du Piton des Neiges sur le versant du Cirque de Cilaos en 2001, j'en soupçonne aisément la difficulté. Le défi scientifique et sportif n'en est que plus motivant.

         De plus, pour corser le tout, le sommet de l'île et ses pourtours font l'objet d'un arrêté préfectoral de protection de biotope et l'ouverture envisagée se situe en plein coeur du tout nouveau Parc National de la Réunion. C'est une formidable occasion de tester le partenariat que nous souhaitons mettre en place avec cette toute nouvelle institution, afin de ne pas geler l'activité aux 225 canyons répertoriés sur l'île. Je considère qu'il reste encore de nombreux parcours à ouvrir dont beaucoup de canyons majeurs. Cette expédition pourrait donc être la première ouverture officielle dans l'enceinte du Parc et nous servir de base pour discuter plus précisément d'un protocole d'ouvertures futures.

         J'explique donc tous ces enjeux intrinsèques à Vincent, ce qui à l'oral et vu ma façon de parler passionnelle dés qu’il s’agit de défendre le libre accès au milieu pour tous, appuyée sur la constitution française, qui garantit au citoyen la liberté d'aller et de venir sur le territoire national, n'est pas pour le rassurer quant à la faisabilité de son projet avec un individu de mon acabit. Les différentes actions que j'ai mené en ce sens jusqu'à présent n'étant pas toujours très bien perçu par nombre d'institutionnels, nous convenons que c'est à lui, en tant que porteur du projet scientifique, de s'occuper des autorisations administratives avec le Parc National. Toutefois, je lui précise que je me réserve la possibilité de ne pas participer au projet s'il m'est imposé des contraintes antinomiques avec les valeurs du plein air que je défends et notamment, ma conception de l'ouverture.

         Mon aura locale d'ouvreur  le rend d'autant plus diplomate que ce qui tinte à son ouïe est, qu'en l'absence de financement, je suis prêt à lui permettre de réaliser son objectif à fonds propres. L'enjeu de pérenniser l'espace de liberté que représentait il y a peu les activités de plein air est plus important que quelques milliers d'euros. L'entreprise RIC A RIC  Canyon créée sur l'île depuis plus de quinze ans est faite, entre autre, pour nous donner les moyens de nos ambitions et ce, en toute indépendance On ne fait de publicité ou l'on n'accepte un sponsoring que de gens que l'on estime ou qui respectent l'esprit de ce que l'on souhaite réaliser en n'imposant pas de contrepartie outrancières pouvant, entre autre, nous transformer en « hommes sandwichs ». Cette dynamique, proche du troc et de l'échange de bons procédés fonctionne avec les gens de bonne volonté. Alors on s'en sert...

Les préliminaires :

         Pas de bras. Pas de chocolat. Pas de fric. Pas d'hélicoptère ! Délicat pour le repérage...

        Les photos satellites que me propose Vincent donnent une piètre idée de ce qui nous attend.  Je contacte donc Felix, pilote et patron de Félix U.L.M. Il est également  Président du SYPRAL (Syndicat des Professionnels des Activités de Loisirs ) (2) dont je suis le président de la Commission Terre (les deux autres commissions étant liées aux activités Air et Mer.). On s'estime depuis longtemps puisque nous faisons partie des rares professionnels de l'île à oser une cotisation pour pouvoir être pris en compte dans la gestion du territoire par les administrations. Entre passionnés, on se comprend vite. L'expérience de repérage aérien qu'il a vécu lors de notre dernière « grande ouverture » lui a plu (Ravine Coloscopie) (3). Il se régale toujours de vols non touristiques ou il peut se lâcher davantage, me permettant presque de tester au marteau la paroi pour voir si le rocher est sain... En ce qui me concerne, c'est la partie de l'expédition qu'en terme d'engagement, je redoute le plus !

         Accompagné de Vincent Famin, géologue en chef sur un autre appareil, on effectue donc gratuitement un vol de reconnaissance ponctué de multiples photos , plus ou moins floues en fonction des acrobaties aériennes de nos barons rouge locaux. Celles-ci permettront de choisir la ravine la plus appropriée à l'étude.

         De retour sur le plancher des vaches, l'objectif est déterminé. Moi aussi... Après analyses de ces repérages, j'impose une expédition de préparation à l'ouverture proprement dite afin, le jour J., de réduire l'engagement d'une progression «à vue » dans le cône d'entrée de la ravine choisie.  L'étude géologique de cette portion devra également être faite à cette occasion, ce qui devrait ultérieurement nous permettre de gagner un temps précieux. Cette expédition de préparation a aussi pour finalité d'aller le premier jour de la descente intégrale le plus loin et le plus bas possible. Grâce à  cela, nous devrions avoir moins froid la nuit en réduisant l'altitude du premier bivouac et nous diminuerons considérablement les risques de chutes de pierres, et de blocs, dans la zone pourrie du départ sous la crête sommitale, en restant dans cette endroit « craignos » le moins longtemps possible.

Premiers émois: L'expédition de préparation !

         Pour le week-end, Béla, Raph, Max, Eric, Vincent et moi-même montons grand matin depuis Cilaos, chargés comme des mules, au sommet du Piton des Neiges. Nous mettons six heures pour  réaliser cette approche, lestés de sacs de trente à  quarante  kilos chacun.

         La difficulté de trouver les lignes les moins exposées aux chutes de blocs est grande. Cela pue l'instabilité de partout et trouver de la roche de qualité bien placée n’est pas une mince affaire. Les barres d'effondrements qui constituent le « cône » d'entrée mettent une pression d'autant plus importante que nous devrons pour cette fois-ci les remonter... Il nous faut également anticiper sur l'ouverture où nous serons nombreux et lourdement chargés. Chaque couloir d'avalanche est donc un piège à éviter, autant pour notre remontée que pour la colonne que nous formerons lors de la descente intégrale (Photo N° 5). Dans l'action, Vincent qui pourtant doutait de la pertinence d'une telle expédition, ne tarde pas à se mettre au diapason de l'équipe de préparation. Il serre les fesses et réalise l'importance du travail en cours pour le bon déroulement de la suite du projet. Malgré un gros moment d'incertitude de ma part pour le franchissement de la troisième barre, les lignes principales d'entrée sont créées, topographiées, et globalement purgées. Deux jours nous aurons été nécessaires pour planter vingt cinq ancrages nous permettant d'anticiper sur 250 m. de dénivelé dans le cône d'accès à la ravine.

         De retour à la tombée de la nuit au gîte de la caverne Dufour (Gite du Piton des Neiges), la pression retombe en même temps que la mousse d'une bonne bière, agrémentée de rhum arrangé, ce qui nous permet d'évacuer le stress de façon conviviale. Nous fêtons ce que nous savons être l'ouverture en grand de la porte d'entrée. Ne reste plus qu'à ne pas la prendre plus tard dans la gueule...

        Au niveau étude scientifique, c'est également très positif. Alors que Vincent ne pensait rien apprendre dans cette partie sur la formation du volcan, il trouve plusieurs types de roches inattendues et de bon augure pour la suite de la coupe géologique. Des traces d'une phase explosive majeure en fin de vie du volcan sont notamment confirmées (cendres) ainsi que des coulées différenciées.

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         Au cours de ce week-end, tous les moments de doutes et les petits bonheurs sont filmés en direct par Max. Comme pour le film réalisé lors de l'ouverture de Coloscopie, je tiens à l'authenticité de l'image. L'expédition fera donc l'objet d'un reportage sur le vif, avec lequel on espère capter dans l'instant, sur les visages, l'émotion liée aux découvertes que l'on espère importantes, tant d'un point de vue  scientifique que sportif.

         Nous souhaitons également partager cette aventure avec la population locale qui ne soupçonne pas l'importance de notre activité sur l'île et dans le monde. En sus de la médiatisation classique, un projet pédagogique est donc monté avec Candice, institutrice d’une classe de grande section de l'école d' Hell-Bourg, village qui accueille notre arrivée et qui termine notre descente. S’inspirant des photos de repérage, Candice accompagnée de Raph (instituteur à Mare à Citron et membre actif de l'expédition), profite des vacances scolaires pour réaliser une maquette de 3 m. x 2 m. dans sa classe. Elle reproduit le parcours que nous allons effectuer et des petits personnages à notre effigie sont réalisés. Ceux-ci seront déplacés sur la maquette au gré des informations que nous dispenserons par téléphone deux fois par jour. L’institutrice initiée à l'activité, et à Raph, profitera de ces supports pour travailler en classe avec les enfants, tout au long de la descente, différents thèmes : respect de l'environnement, nutrition, enrichissement du vocabulaire, bivouac, hygiène, technique, équipe, rôle de chacun pour atteindre l'objectif, difficulté à vivre en milieu confiné, etc...

         La simple demande d’autorisation d'expédition scientifique faite en mai est devenue en octobre un projet bien plus complet qui affole certains éléments du Parc. Le point d'achoppement majeur réside dans sa  médiatisation. Ceux-ci semblent plus enclins à la culture du secret et voient d'un mauvais oeil ce qu'il pense être la promotion d'un exploit sportif dans une zone sensible. La méconnaissance des   spécificités de la descente de canyon et plus particulièrement d'une ouverture de ce type génère certaines inquiétudes qui favorisent la volonté de mise en place de « zones sanctuaires » interdites à toute pénétration de l'homme...

         Trois semaines avant la date prévue du départ de « la grande descente », nous  n'avons obtenu qu'un financement symbolique, tout juste suffisant pour l'achat d'un peu de matériel et le transport en hélicoptère. Plus grave, nous n'avons toujours qu'une autorisation verbale du Parc et la demande de dépose hélicoptère au sommet du Piton des Neiges pose un nouveau problème... Nous sommes en pleine période de reproduction du Pétrel de Barau (4) ! Or, lors de la première, chacun sera lesté de trois sacs pour une charge sèche moyenne totale d'environ 50 kg par personne. Monter ce poids à dos d'homme multiplierait les bivouacs tout en nous imposant de dormir le premier soir dans la « doline d'effondrement » d'entrée, soit la zone la plus instable. Cette autorisation de dépose nous semble également vitale pour franchir grand matin, calmement, frais et disponible, ce qui a toutes les chances d'être la partie la plus engagée de notre périple. La tension liée à l'attente est donc à son comble. Les congés des différents participants sont posés et  tous les investissements sont réalisés (1000 m. de cordes, 2 perforateurs, 10 accus, 300 possibilités d'ancrages, etc...). L'autorisation écrite de la descente ainsi que de la dépose nous  tombe 5 jours avant la date prévue du départ ! On respire, mais il flotte dans l'air comme une obligation de résultat... L'envergure et la médiatisation du projet ne cessent d'inquiéter quelques décisionnaires du Parc. Il transpire que nous avons intérêt à atteindre notre but du premier coup. En effet, l'ambiance sent l'improbable face à l'éventualité d'une seconde autorisation en cas d'échec...

Passage à l’acte : L'expédition.

         Pour des questions de logistique (navette) et afin que les élèves de Candice puissent assister au départ de l'aventure, l'hélicoptère négocié par Béla doit nous prendre à Hell-Bourg. Beaucoup de Réunionnais voient régulièrement passer des hélicos au-dessus de leur tête mais la plupart n'en ont jamais vu de près. Tout le monde se retrouve la veille sur place afin de finaliser les sacs et monter dans l'hélicoptère dès le lever du jour. Malheureusement les conditions météorologiques ne nous sont pas favorables,  la « farine » (5) s’est transformée en baguette. Il tombe des cordes et le Cirque de Salazie est totalement bouché. Un hélico n'y retrouverait pas ses petits. Grand matin, « nou gane pa ». La météo « lé mol » et le départ est annulé. Ce report est mis à profit pour que l'équipe d'aventuriers en personne  visite la classe de Candice. On découvre la maquette et les élèves qui sont aussi impressionnés que nous (photo 15 ou 16). Les corrélations entre bonhommes de la maquette et « Indianas Jones » réels achevés, nous nous empressons de filer dans le Cirque de Cilaos en voiture, soit 160 km. de navette, pour garantir le départ du lendemain. En effet, cette zone est mieux exposée et nous avons de meilleures chances de bénéficier de la trouée du matin...garantissant la dépose au sommet du Piton des Neiges.

Cilaos. Mardi, c'est parti :

         Il fait encore nuit quand nous sommes en place pour l'héliportage. Cilaos n'est qu'à 1200 m. d'altitude mais, alors qu'en cette fin octobre nous sommes proche de la saison d'été, il y fait encore très froid. Le jour se lève et réchauffe et réchauffe d'autant plus les énergies que, de ce côté, toutes les arêtes du Piton des Neiges sont dégagées. L'hélicoptère arrive bientôt sur la D.Z. du village. Trop lourds, il faudra trois rotations au lieu des deux prévues initialement, le tout en prenant de l'élan, pour déposer  l'ensemble de l'équipe et son matériel au sommet situé à plus de 3000 m.

         L'équipe est composée de huit canyonneurs, sélectionnés pour leur aptitude à ce type d'exercice et leur potentiel d'investissement dans la Ligue Réunionnaise de Canyon et Spéléologie (L.R.C.S.), plus les deux géologues que nous encadrons (dont un spécialiste en datation venu spécialement de Berlin).

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         Après la dépose au sommet, 2 mn. de marche d’approche suffisent pour rejoindre le rempart du cône d'entrée. Ceux qui n'étaient pas là à l'expédition de préparation découvrent l'ampleur du problème en terme d'engagement. Dès le premier rappel, on entendrait un moustique porteur du Chikungunya (6) voler... Le plateau d'accès est gelé et nous aussi, malgré le soleil qui semble déterminé à nous accompagner. Celui-ci n'est d'ailleurs pas le seul. Au fur et à mesure de notre descente, tant à gauche qu'à droite, de mini éboulements se produisent à la faveur du réchauffement de la paroi. Tout nous indique qu'il ne faut pas traîner ici et l'importance de l'expédition de préparation prend aujourd'hui tout son sens. Bref, on trace, sans confondre vitesse et précipitation. Malgré une avalanche au déséquipement du R.6 et la consommation d'huile de chacun au franchissement du « déviateur de l'amor » en fin de R.5

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le « Couloir des Dix Reines » est atteint sans dommage corporel majeur. Cette partie de progression aura toutefois imposée des dommages collatéraux importants : l'explosion d'une boite de crème dessert et surtout, d'une bouteille de vin fin millésimée divin.  L'expé se doit donc d'être courte...

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A l'altitude de 2400 m., la première source apparaît au niveau du R. 9. mais celle-ci n'impose pas encore le port de la Néoprène intégrale.

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Exception faite du cône d'entrée, les géologues font grise mine. La roche leur parle peu en ce premier jour de descente. Quelques rares d'intrusions différenciées (dykes) et de mauvaises conditions d'affleurement dues à la présence de blocs et de végétation. Des coulées de laves épaisses (« roche pintade », un basalte avec de gros cristaux de plagioclases) et des couches horizontales sont les maigres résultats qui précèdent le premier bivouac à 2300 m. Le froid et les émotions dues au franchissement du « Royal Cône » écourtent la soirée. Sans vouloir faire de pub à la principale bière locale, tout le monde fait rapidement dodo (7).

Mercredi, l'alchimie :

         A peine le premier bivouac quitté qu'une belle cascade (R.18 de 76 m.) nous permet de sortir  de l'encaissement du premier jour. Les géologues se satisfont pour l'heure des maigres résultats que représentent l'épaisseur croissante des coulées et une inclinaison surprenante des couches vers le sud.

L'altitude de 2100 m. atteinte, nos deux compères retrouvent le sourire. La brèche apparaît. Des blocs de toutes tailles et typiques des débris d'avalanche sont observés. L'absence de plagioclases semble indiquer un effondrement antérieur au stade différencié et l'inclinaison de la brèche suggère un glissement vers le nord plus conforme aux hypothèses.

         Je commence à comprendre que plus je galère devant en ouvrant désormais des lignes dans du rocher pourri, plus les géologues derrière sont contents ! Une fois de plus, je loue les qualités d'accroche de la cheville Spit Bolt dans ce « pudding ». Les encaissements s'enchaînent et sont de toute beauté malgré une morphologie de canyon surprenante pour la Réunion. Les cascades se succèdent sans temps mort mais nous ne rencontrons aucune grande verticale digne des « cassés » réunionnais (8). Sans la végétation tropicale qui couvre les étroitures où nous progressons, on se croirait aisément en canyon métropolitain.

         Enfin un rappel plein gaz. Une superbe cascade érodée comme un puits en spéléologie marque le début d'un nouvel encaissement. Afin de ne pas gâcher le plaisir d'une telle descente, la ligne est posée « plein tube ». Personne ne soupçonne encore l'incidence de cet équipement...

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         La fin du rappel impose de prendre pied dans un renfoncement sous l'écoulement. Alors qu'il défait son descendeur, le nez contre la paroi, Vincent est intrigué par une alternance de rubanements noirs et roux. Dans ce niveau de brèche, la roche est déformée comme de la pâte à modeler et les blocs y sont dissous. Sept niveau noirs de 5 à 60 cm. d'épaisseur, inclinés vers le nord, sont rapidement répertoriés. Notre géologue en chef jusque là taciturne devient d'une jovialité exacerbée. Tout le porte à croire qu'il est en présence de pseudotachylites (sorte d'objet de roche vitrifié par une chaleur importante). Moins de dix exemples de ce type de roche sont répertoriés dans le monde et jamais sur une telle épaisseur ! Ces pseudotachylites indiquent que la brèche a fondu sous l'effet d'un frottement intense ayant généré une fusion. Un tel phénomène est du à une vitesse de glissement élevée ou/et à une épaisseur de roche importante au dessus. Cette découverte pourrait confirmer que le Piton des Neiges était à l'origine beaucoup plus haut et qu'il a subi un effondrement cataclysmique instantané, capable de générer un tsunami en mer ! Vincent ne tient plus en place. Cette trouvaille, si elle est confirmée après analyses, justifie à elle seule l'expédition !

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Il veut du temps pour poursuivre ses observations et prélever d'autres échantillons. Le bivouac sur place qu'il demande est d'autant plus rapidement validé que j'ai pour ma part le visuel sur l'aval du parcours. Depuis le relais que j'installe dans la cascade suivante (R.31), nul possibilité de couchage à l'horizon. Si l'on s'engage, la nuit a toutes les chances de nous surprendre dans la grande étroiture arrosée que je distingue en contrebas.

         Le second bivouac est donc installé à 1945 m. d'altitude tandis que la météo se dégrade. Alors que nous nous imposons de ne pas sortir de la ravine afin de ne pas avoir d'incidence sur la végétation environnante, comme pour le premier camp, nous ne trouvons que peu de place au sol. Les hamacs sont donc une nouvelle fois privilégiés et certains doivent s'installer en travers de la rivière. A force de me voir planter, Max et Séb s'émancipent. Ils osent un ancrage commun pour leurs deux hamacs sur un petit bloc coincé dans la brèche. La pluie est désormais bien présente et chacun s'emploie à dormir malgré tout abrité quand un bruit incongru illustre l'extraction du petit bloc de sa gangue. L'ancrage ayant cédé, nos deux compères se retrouve 1,50m plus bas, dans la rivière, durement rappelé en plein sommeil par les lois fondamentales de la gravité ! Fort heureusement, les dégâts sont plus d'ordre moral que physique. Au matin, de toute façon, tout le monde est trempé...

Le retour du jeudi :

         Dés le lever du jour, Vincent et Séb en combinaison intégrale sont illico à pied d'oeuvre et se gavent de pseudotachylites. Pendant ce temps, le reste de l'équipe  traîne sous les bâches de la cuisine en priant les dieux météo pour que la pluie cesse.

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Cela fonctionne à force de répétitions. L'équipement est en place depuis la veille jusqu'au R. 31. On fonce avec le Béla pour se régaler d'une superbe ligne dans l'actif de 63 m. C'est pas de la « Pseudotach » mais cela donne aussi la banane.

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A peine remis de la première nage du canyon dans une eau gelée que la cascade suivante débute. Ici, c'est l'enfer de l'ouvreur. Créer la ligne du R.33 développe rapidement une méningite aiguë. La roche est pourrie de chez pourrie. On est sous cascade pour la perforation. C'est fracturé de partout et les emplacements judicieux pour la « belle ligne » sonnent faux. De surcroît, le surplomb aval implantable est gavé d'arêtes tranchantes comme des cutters. C'est beaucoup pour quelqu'un qui n'est pas du matin. On descend, on remonte, on va à gauche, à droite. On tape sur tout ce qui bouge. On revient au centre. Rien ne va. Le rocher est traître. Peut être suis-je victime des premiers symptômes d'une Bessonite foudroyante? Fausse alerte. Après plus d'une demi heure dans 5 m² de surface à la recherche du Saint-Grall, la ligne est trouvée au centimètre près grâce à ce qui n'était au départ qu'une hypothétique déviation. Béla, qui a suivi l'affaire dans ces moindres détails reprend à son compte l'expression favorite de ses nouvelles conquêtes en phase découverte: « C'est énorme !».

         Pendant ce temps les géologues constatent des intrusions dans la brèche (sous 1900 m. d'altitude) et nous rejoignent en bas de ce R.33 mythique. Cette verticale permet  d'observer les premières sources thermales qui jaillissent à la faveur des fracturations de cette même brèche (1830 m.).

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         L'étroiture du matin gobée, on s'épuise à porter nos nombreux sacs dans des petits chaos intermédiaires. L'équipe est peu habituée à ce type d'expédition lourde. Pour ma part, j'ai l'impression de me retrouver aux grandes heures des portages ‘Plongées’ quant nous étions en pointe au fond du Gouffre de Padirac. Organisateur des expéditions dans cette cavité pendant de nombreuses années, je sais l'importance de l'alimentation et notamment, du repas de fin de journée. J'ai exprimé mon désaccord la veille au soir sur la façon dont chacun se restaure et se réhydrate au bivouac. De ma part, cela surprend puisque je tourne chaque jour aux fumigènes agrémentés ponctuellement de Coca et que les rares repas de midi que j'ai le temps de prendre, c'est en photo ! En ce troisième jour, notre alimentation depuis le départ étant ce qu'elle est, c'est à dire sommaire, tout le monde entre dans le rouge. Malgré la « ponction » (9) que je prends comme tout un chacun, je tiens à enfoncer le clou du discours de la veille et fonce devant sans temps morts. En pointe avec des munitions, j'enchaîne l'équipement des rappels, tirant l'équipe inexorablement vers l'aval. Rapidement, les langues ne se délient plus mais se tirent. Les petits chaos intermédiaires que l'on découvre mènent d'autant plus à la surchauffe que le soleil est de nouveau radieux. Alors que j'entame la descente du R.41 fraîchement planté, Arno pointe le bout de son nez transpirant au sommet du R.40. La zone de bivouac jouxtant celui-ci étant propice, je lui fais signe d'attendre avant de s'engager dans la verticale. Il semble plein d'espoir de pause... Alors que j'ai encore la visibilité sur l'arrière, j'équipe le R.42. De cet endroit, je ne vois rien en aval qui puisse permettre le couchage. Il est encore tôt mais le soleil est une formidable occasion de faire sécher les affaires de bivouac encore trempées de la veille. Il nous faut à tout prix récupérer et recharger des accus humains manifestement bien entamés. Au loin, je fais le signe convenu à Arno lui indiquant que l'on s'arrête là où il est. Je n'ai pas à le répéter deux fois... Le temps de remonter les deux rappels précédents, et je trouve un bivouac quasi finalisé ainsi que l'ensemble des affaires et des hommes qui dorent au soleil. Tout le monde semble soulagé de cet arrêt si tôt dans la journée. Ne reste plus qu'à consommer un vrai repas du soir. Ce qui est fait, à la grande satisfaction de l'équipe alors qu'il reste encore du bon pastis marseillais, breuvage idéal pour travailler la diététique du « groupe 7 » : les sucres rapides...

Vendredi, coït poursuivi :

         On quitte notre troisième bivouac situé à 1600 m. d'altitude ragaillardi. Parti avec trois jours de nourriture et un peu de rab, on commence à douter de l'efficacité de notre rythme de progression. Les dalles photographiées lors du repérage et qui permettent la jonction avec Bras Bachelier ne sont toujours pas en vue alors que le nombre d'accus en pleine charge et de clous a fortement diminué. L'inquiétude quant à notre autonomie est toutefois effacée par la beauté constante des lieux. A peine sorti de l'encaissement faisant suite au bivouac, on entre dans une nouvelle étroiture étonnante. On ne peut qu'être séduit par le vert du green qui tapisse le haut de parois étrangement érodées qui se reflètent dans une eau translucide. Les minis rappels s'enchaînent et l'environnement fait largement oublier les fastidieux multiples emballages/déballages du perforateur. Plus l'on pénètre ce qui est proche d'une galerie souterraine, plus on est radieux. C'est sur, c'est la voie royale qui mène aux dalles tant attendues.

         Enfin, celles ci se dévoilent, nous laissant présager de la réussite de l'expédition. Le début des « dalles » est une magnifique cascade digne du célèbre canyon de Fleurs Jaunes à Cilaos (Cascade des Extraterrestres en mal de notoriété) (10).

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Si la goulotte est esthétique en diable, la roche encaissante sonne elle, aussi creux que le cerveau d'un commentateur footbalistique d'une grande chaîne privée. Les chevilles Spit Bolt sont ici incontournables pour créer des lignes perfomantes et plus l'on avance, pire c’est ! On enchaîne donc les paliers instables dus, d'après Vincent, à des intrusions dans la brèche de plus en plus nombreuses. Chaque relais doit être suffisamment décalé et protégé de la ligne supérieur afin de se prémunir des chutes de blocs inhérentes à la progression des équipiers suivants. C'est chaud, mais cela passe  malgré de multiples alertes de « Scuds ». Tant bien que mal, on atteint la fin des dalles vers la côte de 1270 m. La pression des ouvreurs diminue de façon inversement proportionnelle à celle des géologues. Ceux-ci tombent en arrêt devant une faille qui superpose des brèches sur des coulées non différenciées d'apparence très anciennes.

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Bingo ! Ils nous refont le coup de la Pseudotach. Tout indique qu'un bivouac de proximité serait le bienvenu... Une fois de plus, le hasard fait bien les choses. Alors que nous avons enfin rejoint Bras Bachelier, un verrou impressionnant s'offre à nous. C'est facile à éviter mais ce n'est pas du jeu. Il est encore relativement tôt mais, la demande des scientifiques, et l'engagement qu'implique la suite dans l'actif impose raisonnablement le bivouac. Pendant que ceux-ci poursuivent leurs études et tandis que le camp s'aménage, j'équipe le verrou avant la tombée de la nuit afin d'assurer l'efficacité du début de la  progression du lendemain (R.60 à R.62). L'ensemble de l'équipe recomposée au coucher du soleil,  nos deux géologues tiennent conseil, soucieux du temps que nous pouvons leur accorder le lendemain pour poursuivre leurs observations du phénomène local. La faille leur paraît représenter la racine amont du glissement dit « d'Ilet à Vidot ». De surcroît, celle-ci indique un sens de glissement vers le nord. Les hypothèses de départ se confirment mais nécessitent de plus temps sur place... Le timing du lendemain se négocie âprement au feu de camp alors qu'il n'y a plus ni pastis ni vin fin et que l'on épuise les dernières cartouches de nourriture ; survivre va devenir pénible... L'atmosphère pesante devient soudain immédiatement constructive quand Béla rayonnant, nous sort sa réserve perso. Depuis le premier jour, il craint de percer sa bouteille masquée, et il n'est pas peu fier de son effet en cet instant. Grâce à lui, le moral remonte en flèche et toutes les demandes sont acceptées ! Deux heures d'observation supplémentaire grand matin sont accordées à la géologie. Les revendications des uns des autres acceptées, plus besoin de délégué syndical, et nous pouvons nous endormir sereins...

Samedi, nettoyage des outils :

         Pendant que Vincent et Séb poursuivent leur étude, l'équipe s'engage dans la faille qui capte tout l'écoulement et doit nous permettre de faire la jonction avec le canyon de Bras du Parc. Cette saignée dans la roche se développe dans une intrusion de brèche dans la brèche, à la côte 1100 m. Les possibilités de coincement de chevilles, de sacs ou de cordes dans les blocs qui fractionnent la cascade sont ici nombreuses. On choisit donc de mouliner les sacs depuis le haut dans un lac en fin d'étroiture afin de franchir celle-ci plus aisément. Les ancrages posés pour se faire offrent également une vue plongeante sur cet exceptionnel passage afin que Max nous fasse de belles images. La faille débouche en pleine paroi et un dernier rappel (R.63) nous amène à la confluence avec Bras du Parc. A 1100 m., nous sommes de retour en terrain connu tant au niveau canyon qu'au niveau géologie.

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       Bien que cette portion de Bras du Parc soit déjà ouverte, l'effondrement du chemin d'accès fait que ce parcours est peu fréquenté. Il nous faut donc remettre des ancrages à chaque ligne car celles-ci ont souffert des crues de la saison des pluies.

         Le fait de ne plus progresser à vue entraîne un certain relâchement. Vincent a dans son sac de portage un bidon de 6 litres rempli d'échantillons de pseudotachylites, roche très fragile au demeurant puisque comparable à du verre. Il y tient comme à la prunelle de ses yeux et n'a voulu le confier à personne. Nous, on a droit qu'à des échantillons « ordinaires » ayant prit la place de la nourriture et des ancrages dans nos bidons (environ 25 kg. d'échantillons seront extraits de cette descente pour analyses). En ce cinquième jour de descente, les réflexes sont altérés, et Vincent qui n'a pas longé son sac voit son trésor disparaître dans le courant du soixante sixième rappel pour une chute d'une quarantaine de mètres ! La chance est malgré tout avec nous, puisque le sac n'explose pas totalement en pied de cascade et nous ne perdons à l'impact qu'un tiers des échantillons, brisés, et un accu... Il va sans dire qu'à cet instant, Vincent se fout totalement de cet accu pourtant neuf !

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              Bras du Parc et ses transitions de marche dans des chaos de blocs a achevé tous le monde et nous arrivons au début du canyon de Trou Blanc en petite forme. Fort heureusement, Agnès, coordonnatrice de l'expé, accompagnée de trois amis nous y attend avec du ravitaillement, et de la bière locale bien fraîche. Tout le monde se requinque et nous abandonnons tout le matériel fragile à ses porteurs improvisés afin de ne pas nous engager dans le canyon suivant avec nos précieux échantillons... On entre donc dans Trou Blanc relativement léger et ce canyon très aquatique, que nous connaissons tous par coeur, nous fait l'effet d'un merveilleux jacuzzi. La passerelle de sortie est atteinte à la côte de 683 m. (G.R. 1). Nous retrouvons la civilisation et un monde journalistique d'autant plus en ébullition que nos liaisons quotidiennes avec la classe de Candice lui ont permis de suivre l'expédition et ses formidables découvertes en temps réel. Les enfants accompagnés de leur parents sont également là et, après quelques recherches comparatives des visages, ils offrent à chacun de nous son petit bonhomme qu'ils déplaçaient chaque jour sur la maquette.

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         Toute l'équipe est euphorique et il est l'heure de fêter à sa juste mesure ce dont chacun a maintenant la certitude : nous venons de vivre une aventure humaine scientifique et sportive exceptionnelle.

Conclusions :

         Toutes les conclusions géologiques évoquées dans ce compte rendu ne sont pour l'heure que des préliminaires. Celles-ci doivent être confirmées après analyses des échantillons et datations (les datations prendront plus d'un an). Ces données sont issues de la conférence de presse de Vincent Famin post expédition.

         Si la coupe géologique intégrale est maintenant réalisée sur le versant du cirque de Salazie du Piton des Neiges, pour être totalement complète, celle-ci devrait comprendre dans un futur proche une descente du même type sur le versant du cirque de Cilaos.

         Cette expédition illustre parfaitement la complémentarité nécessaire entre techniciens et scientifiques pour accéder à ce genre de terrain. Reste toutefois à continuer à marteler que l'équipement et l'engagement inhérent à ce type d'ouverture doivent être théoriquement séparés de l'encadrement des chercheurs. Cette donnée de base est d'autant plus incontournable que la plupart du temps, ceux-ci ne sont pas rompus à ce type d'entreprise. La prise de risque serait alors moindre, les expéditions plus légères et plus rapides. L'impact possible sur l'environnement ne peut qu'en être réduit, même s'il semble extrêmement mineur dans cette descente (nous ne sommes jamais sortis du canyon et les accès amont et aval se font par des G.R. touristiques très fréquentés).

         Ce parcours soumis à de nombreuses autorisations, pour l'heure compliquées à obtenir, sera très certainement rarement fréquenté (Nous espérons que celui-ci ne sera pas interdit mais, simplement réglementé...). Nous avons donc privilégié les ancrages en inox afin d'en assurer la pérennité et faciliter l'entretien lors des futures descentes que nous osons espérer. En effet, il semble important pour de nouvelles découvertes de permettre à des botanistes et des biologistes d'accéder à cette zone vierge...

         La presse, avide de sensationnel et via internet a tôt fait de s'enquérir d'un possible record du monde de dénivelé dans cette activité. Nous avons été incapable de le lui confirmer  dans l'immédiat car ce n'était pas le but de l'expédition. Il est utile de rappeler que cette expédition avait une finalité scientifique, mais que sans des sportifs de haut niveau en canyon, vue les difficultés du parcours, il aurait été impossible de réaliser cette première et ces découvertes scientifiques. L'existence de l'acte sportif ne doit pas être occultée au profit de la recherche  scientifique... Il s'agit d'une parfaite synergie dans laquelle chacun a été à sa place pour la construction d'une connaissance meilleure. Nous savons que des éléments du Parc possèdent malheureusement une vision unilatérale de ce genre d'expédition... 

         Cette expédition aura malgré tout mis en lumière le décalage qu'il peut y avoir entre la nécessité d'informer pour éduquer, sensibiliser pour préserver, concepts qui nous animent en tant que pratiquants fédérés et professionnels responsables, face à un positionnement proche de la rétention d'information, légitimée par la protection du milieu. De fait, si une telle attitude perdure et que personne n'y prend garde, nous n'aurons bientôt que le droit d’observer la nature au travers de la fenêtre virtuelle d'Ushuaia...

         Nous remercions tous ceux qui nous ont accompagné, qui ont partagés nos idées et avec qui nous avons réalisé cette belle aventure :

-Gérald, d’Aventure Verticale, avec qui nous avons mis au point divers équipements, pour les vestes rouges complémentaires aux pantalons Fornocal qui nous ont permis d'avoir chaud pendant cette descente parfois glacée.

-Spit Réunion pour son sérieux dans la gestion de nos commandes urgentes et le perforateur de secours.

-Le P.G.H.M. pour son soutient et sa présence rassurante.

-Alice et Michel pour leur accueil à l’hôtel Les jardins d’Héva (fêtes de départ et d'arrivée aussi arrosées qu'un canyon de l'est en saison des pluies...) et leur aide pour le portage de transition des éléments de valeur entre Bras du Parc et Trou Blanc.

-Messieurs les maires d’Hell-bourg et de Cilaos pour leur diverses autorisations.

-Les élus de la CIREST (Communauté de Communes de l'Est) pour leur choix de valorisation des sports de nature sur leur territoire.

-Le Conseil Régional de la Réunion pour son financement du matériel et du transport hélicoptère.

-L'éducation nationale qui, après nos courriers, a accepté de mettre en disponibilité un enseignant en pleine forme pour nous accompagner et concrétiser notre projet pédagogique.

-Les membres de l'expédition, choisis tant pour leurs compétences humaines et techniques agrémentées de disponibilité, que pour leur implication actuelle, et nous l'espérons future, dans une certaine vision de la gestion du territoire.

-Enfin, toutes les personnes du Parc National qui prônent des valeurs de partage et de tolérance et qui considèrent, comme nous, que ce n'est pas incompatible avec la  préservation de l’environnement. Il y en a….

1: Famin, V. et L. Michon (2010). Volcano destabilization by magma injections in a detachment. Géology, vol 38, n°3, p. 218-222.

2: Suite à sa demande insistante, le SYPRAL est le seul représentant des activités de plein-air à siéger au Conseil d'Administration du Parc National de la Réunion.

3: Pour plus de précision sur Ravine Coloscopie, voir la publication dans le Spélunca N°111 de Septembre 2008. Ce canyon majeur de l'île est l'un des derniers à avoir été ouvert et médiatisé, parce-que la médiatisation est la seule façon pour nous d'avoir une existence et d'être reconnu de l'opinion publique et des collectivités locales. Nous n'avons pas de compétition, et aucune fenêtre médiatique lié aux confrontations sportives. Il est donc important de pouvoir communiquer de temps en temps sur notre activité.

4: Le Pétrel de Barau est une espèce d'oiseau marin protégé endémique de la Réunion. Celui-ci vit en mer mais niche à terre, en terrier et en altitude, en période de reproduction.

5: La Farine est un terme local désignant une petite pluie: en créole « La pli farine. »

6: Le Chikungunya est une arbovirose transmise par un moustique, et qui a profondément modifié le paysage économique de la Réunion lors de sa réapparition sur l'île.

7: La Dodo est le nom usuel de la bière Bourbon Réunionnaise dont le logo est un oiseau disparu de l'île à force d'être, lui aussi, largement consommé: Le Dodo. Toute personne qui désire se « désaltérer » se doit d'exprimer: « La Dodo lé là ? »

8: Cassé est un terme local désignant une grande rupture de pente imposant des relais en paroi. Exemple: « Le cassé du Trou d'Enfer ».

9: La « Ponction » est à ma connaissance un terme « Ménilesque » désignant un gros coup de fatigue. Exemple de Ménil dans le texte: « Ce citron est ponction » (Ce spéléo nul est au bout du rouleau)

10: La Cascade des Extraterrestres en Mal de Notoriété vient du nom dont nous a affublé un internaute au pseudonyme phonétiquement identique au patronyme du Directeur du Comité Scientifique du Parc National de la Réunion sur un portail Orange concernant l'expédition. Grâce à sa prose sur ce forum, nous lui devons également le nom de baptême du « Couloir des Dix Reines ».

                                               Emeric Beaucheron, chef de l'expédition, représentant à cette occasion:

   -Mouvement Indépendant d'Etudes et de Recherches Spéléologiques (M.I.E.R.S. Lot)

                                                        -Histoires d'Eaux (Canyon Réunion)

-SYPRAL

  - RIC A RIC

   -S.N.P.S.C.

                  - La Ligue Réunionnaise Canyon Spéléologie

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